Les nouvelles politiques de l'eau affichent pour priorité la chasse au gaspillage. En France, le rendement moyen est de 75 à 80%, mais certaines communes partent de plus bas. Grandes ou petites, les régies se targuent de pouvoir mener une politique de long terme.
Le choix de réinvestir dans le réseau
Dans un premier temps, la création de la régie dignoise des eaux a consisté à acquérir les moyens matériels pour assurer la gestion des contrats des usagers et la continuité technique des réseaux.
La collectivité de Digne semble avoir entendu le message de l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse qui estime que dans le seul bassin Rhône-Méditerranée, environ 350 millions d'euros devraient être engagés chaque année si toutes les collectivités réparaient les fuites de leur réseau d'eau. Ces investissements impliqueraient également 3.500 à 4.000 emplois supplémentaires à créer localement. De plus, les collectivités et les ménages économiseraient sur les frais de pompage et de traitement de cette eau perdue.
Au nom de l'intérêt général
Dans la capitale, Eau de Paris se targue d'un rendement à 89,6% en 2016, et se fixe un objectif de 92%, en se dotant d'un plan de gestion des pertes et fuites, dans une perspective de long terme rendue possible par le passage en régie. L'accroissement des capacités d'autofinancement permet de dégager les moyens financiers nécessaires à une véritable politique patrimoniale des ouvrages comme, par exemple, les renouvellements des réseaux.
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"Comment rendre tangible l'intérêt du public auprès des usagers ?", interroge Joseph Hermal, directeur général du Syndicat des eaux et de l'assainissement d'Alsace-Moselle (SDEA). "Cela renvoie d'une part à la gouvernance : plus le projet sera partagé et entraînera l'adhésion, plus le service comptera d'ambassadeurs qui en assureront la promotion, et d'autre part à la finalité : dégager des gains de productivité pour être compétitif tout en les réinvestissant au bénéfice de l'intérêt général".
Quand le rendement baisse avec la consommation
A Grenoble (Isère), la collectivité est déjà bien outillée. Les fuites sont prélocalisées dans le réseau par écoute acoustique et inspectées par des corrélateurs acoustiques. Eaux de Grenoble Alpes mène deux campagnes de recherche de fuites par an sur la totalité du réseau et exerce un suivi quotidien sur le débit minimum de nuit afin de localiser les secteurs de fuites.
Le problème tient à la performance même du réseau : les usagers deviennent plus économes, la consommation d'eau potable diminue, et entraîne une baisse des rendements. Comme l'explique Patrick Beau, directeur technique de la société publique locale Eaux de Grenoble Alpes, "on observe une tendance à la baisse de 2 à 3% sur les volumes consommés tous les ans. Il faut donc redoubler d'efforts pour maintenir les rendements, qui sont issus du ratio entre volumes consommés et volumes mis en distribution. Les recherches sont de plus en plus fines, car les fuites sont de plus en plus cachées. En 2016, pour le réseau de Grenoble, le rendement est redescendu à 83% en raison de la baisse de la consommation. Nous relançons donc un plan d'action pour atteindre un rendement à 85 % exigé par la réglementation".
Mutation culturelle chez les délégataires
La lutte contre les fuites n'est pas réservée aux régies. Adjoint au maire de Mérignac (Gironde), Gérard Chausset témoigne d'une évolution culturelle au sein de Bordeaux Métropole, malgré une certaine inertie des infrastructures. Le délégataire Suez Eau de France "a changé dans sa mentalité vis-à-vis de l'eau. Début 2000, le distributeur était un vendeur d'eau. Aujourd'hui, l'approche est différente. Les scandales dans le domaine de l'eau ont entraîné un renouveau, un changement de mentalités", estime cet élu d'Europe écologie les Verts, expert du domaine. Bordeaux Métropole pompe 50 millions de mètres cubes d'eau par an et en vend 40 millions : le rendement est de 80 à 85%, soit un peu plus de 15% perdus. "On n'a pas énormément progressé. Le point d'amélioration a été la modulation de la pression la nuit, d'où des fuites moins importantes".
Bordeaux rénove aussi son réseau non sans difficulté : "Améliorer le réseau suppose une surveillance et une réparation rapide pour élever le rendement. A Paris, les fuites se voient car on peut pénétrer dans le réseau. A Bordeaux, le réseau est enfoui. C'est une action sur le long terme. Il y a une inertie sur 15 à 20 ans. En milieu rural, les rendements sont de 60 à 70%. Il y a bien un enjeu sur la ressource avec l'amélioration des réseaux de quelques millions de mètres cubes".
Agnès Sinaï
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