Diversifier le mix énergétique, développer une filière industrielle et créer des emplois locaux, tels sont les enjeux liés au développement de l'éolien en mer. Cette politique, impulsée à l'échelle nationale, est profondément ancrée dans les territoires.
La politique française en matière d'éolien est impulsée à l'échelle nationale. Si, dans les années 1990-2000, les régions ont été pionnières et ont lancé, avec l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), des études pour identifier le potentiel éolien de leurs côtes, l'Etat jacobin a rapidement repris la main sur le sujet. En effet, le domaine public maritime lui appartenant, il est le seul décisionnaire. Il impulse également les grandes politiques industrielles et énergétiques, et a vu, dans cette filière, l'opportunité de créer de l'activité et des emplois, tout en diversifiant le mix énergétique. L'idée : s'appuyer sur des "fleurons français", EDF, GDF Suez, Alstom et Areva, pour redynamiser les ports français et s'affirmer sur les marchés régionaux en développement (Grande-Bretagne, Allemagne, Pays-Bas…). Mais devant les nombreux enjeux locaux (réindustrialisation, emplois, conflits d'usage…), les collectivités locales ont souhaité s'en mêler, en créant des comités locaux de concertation. "Une gouvernance à niveaux multiples" s'est alors développée, analyse Aurélien Evrard, chercheur à l'Institut d'études européennes.
Une politique impulsée à l'échelle nationale…
Les premiers parcs offshore, qui devraient être mis en service à l'horizon 2020, ont été validés à l'échelle nationale. Deux appels d'offres, lancés en 2011 et 2013, ont permis de sélectionner trois gigawatts de projets (Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire, Saint-Brieuc, Le Tréport et îles d'Yeu). Un nouvel appel d'offres devrait être prochainement lancé. Un appel à manifestation d'intérêt soutiendra des projets sur l'éolien flottant.
Auparavant, les préfets maritimes et de régions ont été chargés de définir, après concertation, les zones propices, c'est-à-dire techniquement favorables à l'implantation d'éoliennes en mer. Mais outre les gisements éoliens et le potentiel de raccordement, il faut également composer avec les différents usages de la mer (pêche, transport maritime, tourisme…) et le tissu industriel local. "Lors de la définition de la zone de Saint-Brieuc (22) en 2009, on s'est rendu compte qu'il n'y avait pas qu'un seul niveau de concertation", explique Stéphane Pennanguer, chef du service politiques maritimes du Conseil régional de Bretagne. Pour répondre aux craintes des pêcheurs de coquilles Saint-Jacques, "nous avons fait évoluer la zone initialement définie par l'Etat".
A Courseulles-sur-Mer (14), la concertation locale a également fait bouger les lignes du projet initialement prévu. "EDF EN a proposé de développer une zone de moindre impact, en implantant 75 éoliennes au lieu de 100. Cette option a remporté l'adhésion des pêcheurs", explique Guillaume Barron, directeur adjoint délégué à la mer et au littoral à la Direction départementale des territoires et de la mer du Cavaldos.
Malgré tout, lors des débats publics, menés pour les quatre premiers parcs sélectionnés, de nombreux citoyens ont regretté d'être consultés en aval. Une fois que le projet a été validé au niveau national et que les discussions entre industriels, acteurs et collectivités locales sont bien entamées, laissant peu de marge à l'évolution du projet.
… avec des retombées économiques locales
Les collectivités voient, dans l'implantation de cette technologie, une véritable opportunité de redynamiser leurs territoires. La promesse ? 10.000 emplois directs et indirects (mécanique, chaudronnerie, électronique, logistique, maintenance…) et une réindustrialisation des ports. Les zones portuaires "concentrent des compétences historiques fortes dans les domaines de l'énergie, de la mécanique, de la métallurgie ou encore de la logistique et disposent des capacités d'accès (hauteurs d'eau) pour accueillir les navires d'installation des parcs, ainsi que d‘espaces disponibles pour l'implantation d'usines et/ou de zones de stockage et d'assemblage", analyse le SER. De fait, les ports et collectivités locales ont investi afin de favoriser l'implantation d'activités liées aux énergies marines (aménagement de terrains et de plateformes logistiques...) et développer des formations adaptées aux futurs besoins en main d'œuvre.
La construction des premières usines dédiées à l'éolien offshore a démarré après l'annonce des lauréats retenus dans le cadre du premier appel d'offres. Les activités devraient être réparties sur différentes communes. Ainsi, pour réaliser les trois parcs d'EDF-Alstom (Fécamp, Courseulles-sur-Mer, Saint-Nazaire), la ville de Saint-Nazaire (44) devrait accueillir la fabrication de génératrices et l'assemblage des nacelles, Cherbourg (50) la fabrication de mâts, de pales et l'assemblage des éoliennes, Le Havre (76) la fabrication de fondations gravitaires, Fécamp (76) et Caen-Ouistreham (14) les activités d'exploitation et de maintenance, Port-en-Bessin (14) l'entretien des navires.
Le consortium Ailes marines, qui a remporté le projet de Saint-Brieuc, fabriquera ses éoliennes au Havre (assemblage des nacelles, pré-assemblage et fabrication des pales). Areva projette également d'y implanter une plateforme industrielle, un parc fournisseurs, un hub logistique et un banc d'essais. L'assemblage final se fera à Brest (29) et la maintenance à Saint-Quay Port d'Armor (22). Rouen (76) devrait enfin accueillir un centre de recherche de référence internationale lancé par Areva. L'ensemble de ces industriels devrait également s'appuyer sur le réseau industriel local pour la fourniture de composants, la logistique…
Sophie Fabrégat
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