Les données collectées sur les micropolluants montrent que l'ensemble des masses d'eau semblent polluées. Pour améliorer le suivi, une évolution des techniques utilisées s'avère toutefois nécessaire.
Ce suivi des micropolluants répond notamment à une obligation réglementaire. Dans le cadre de l'objectif de bon état des masses d'eau demandé par la directive-cadre sur l'eau (DCE), les dispositifs en place ont été réorganisés en programmes de surveillance dans chaque bassin hydrographique. Ils constituent une bonne part de la connaissance acquise sur ces polluants. A ces derniers s'ajoutent également des campagnes exceptionnelles, l'une en 2011 s'intéresse aux eaux souterraines de métropole et l'autre en 2012 aux eaux douces de surface (rivières et plans d'eau) comme aux eaux littorales de métropole et d'outre-mer, ainsi qu'aux eaux souterraines d'outre-mer.
Les médicaments, plus fort taux de substances quantifiées en 2011 et 2012
"Le plus fort pourcentage de substances quantifiées par rapport au nombre de substances recherchées est observé dans les cours d'eau (70%), davantage connectés aux pressions polluantes, précise l'Onema dans une synthèse. En termes d'usages, ce sont les médicaments qui présentent le plus fort taux de substances quantifiées (56%), suivis des substances industrielles ou domestiques (53%)".
Parmi les substances qui ont été recherchées en 2011 et 2012, les plus fréquemment retrouvées dans les cours d'eau et plans d'eau sont des conservateurs utilisés dans les cosmétiques et les produits de soins corporels (parabènes), des plastifiants (diisobutyl phthalate et bisphénol A), un composé tensioactif (p-Nonylphénol diéthoxylate) ou encore des produits de combustion (HAP) dans les sédiments. Dans les eaux souterraines, les micropolluants les plus souvent identifiés sont des médicaments (aspirine), des composés d'usage industriel, des pesticides (dont des métabolites de l'atrazine ou un néonicotinoïde, l'imidachopride), ou encore la caféine. Dans les eaux littorales, ce sont certains plastifiants (phtalates), ainsi que - dans les sédiments - des HAP et des organométalliques (biocides contenus dans les peintures utilisées pour préserver les coques des navires) qui ont été le plus fréquemment quantifiés.
"L'idée est de reconduire l'exercice dans les eaux superficielles probablement vers 2018 même si nous ne savons pas encore quel type de substances nous allons rechercher et avec quel dimensionnement", projette Pierre-François Staub. En fonction de l'avancement des connaissances et des techniques disponibles, la liste de molécules à rechercher évolue.Vers des approches plus performantes
"Même si certaines campagnes concernent plusieurs centaines de molécules, c'est finalement peu par rapport à ce qui existe et qui est susceptible d'être retrouvé dans les milieux, constate Christine Feray, directrice du programme Aquaref. Nous essayons donc de nous orienter vers de nouvelles approches pour élargir le spectre de ce qui est recherché".
Les opérateurs des mesures pourraient ainsi, plutôt que de cibler et rechercher une molécule précise, en identifier davantage grâce à des techniques d'analyse chimique non ciblées large spectre (spectrométrie de masse, etc.). Ces dernières permettent uniquement de détecter la signature de molécules, grâce à leurs propriétés physico-chimiques. Ensuite, si cette dernière est retrouvée dans plusieurs masses d'eau, ils s'efforceront alors de l'identifier.
"Lors de la campagne prospective de 2012, nous avons exclu des molécules qui avaient pourtant été priorisées, car nous n'avons pas trouvé les laboratoires susceptibles de rechercher les molécules à un niveau de quantification pertinent", explique Christine Feray. Les échantillonneurs passifs pourraient pallier ce manque : immergés dans la masse d'eau durant une certaine période, ils permettent de concentrer les polluants et parfois de résoudre le problème des limites de quantification, ou de variations temporelles de la concentration des polluants. Pour l'instant, ces outils restent utilisés par des laboratoires de recherche scientifique. Aquaref travaille aujourd'hui à leur validation opérationnelle. "L'enjeu, pour déployer plus largement cette surveillance, est un transfert des méthodes depuis les laboratoires experts vers les laboratoires de routine, moins spécialisés, afin qu'ils se les approprient et effectuent une surveillance efficace", estime Pierre-François Staub.
Dorothée Laperche
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