Même s'il manque encore les informations de quatre Etats membres (Chypre, Luxembourg, Malte et Pologne) pour qui l'enregistrement des allocations n'est pas encore opérationnel, ce bilan signifie que ces entreprises ont émis globalement 44 millions de tonnes de CO2 en moins que prévu. Les résultats varient en fonction des pays : le Royaume-Uni, l'Espagne et l'Italie ont par exemple dépassé leurs quotas alors que l'Allemagne et la France enregistrent des excédents. Les émissions en Allemagne se sont ainsi élevées à 474 millions de tonnes, soit 21 millions de moins que la quantité totale de certificats distribués. Pour la France, les émissions ont atteint 131 millions de tonnes contre 156 millions envisagés par le PNAQ.
Ces résultats étaient plus ou moins attendus puisque certains pays dont la France, avaient déjà annoncé un surplus de quotas dès avril. Ces annonces ont très vite perturbé le marché du carbone et ont entraîné la chute du prix du quota qui a été divisé par deux durant la dernière semaine d'avril et pratiquement par trois en intégrant les premières cotations de mois de mai.
Face ce constat, la Commission européenne craint que ces résultats mettent à mal le principe de la bourse aux quotas de CO2. En effet, s'il n'y a pas d'intérêt financier à revendre les quotas sur le marché, les entreprises ne risquent pas de faire des économies d'énergie ou d'investir dans des technologies moins polluantes. Certains experts soulignent également que l'impossibilité pour les installations de « mettre en banque » les quotas de la première phase (2005-2007) pour la seconde (2008-2012) a accentué le minikrach boursier observé dernièrement.
La Commission européenne explique ce bilan d'émissions par le fait que les entreprises ont investi dans des installations moins polluantes et plus efficaces. C'était le but de ce système d'échange des quotas. Selon elle, les conditions météorologiques hivernales clémentes ont également limité les besoins énergétiques. Toutefois, la Commission se veut prudente et demande aux administrations nationales d'enquêter sur les émissions réelles des sites concernés. Elle n'exclut pas que certains pays ont pu allouer trop d'allocation comme le dénoncent les associations de protection de l'environnement.
Ces dernières profitent d'ailleurs de cette crise pour alerter et encouragent à faire plus d'efforts. Alors que les Etats membres préparent leur second PNAQ pour la période 2008-2012, les ONG demandent des objectifs plus ambitieux et plus de transparence dans les règles d'attribution des quotas. C'est dans ce but que Greenpeace a demandé à un cabinet d'experts indépendants, Ecofys, d'élaborer le PNAQ idéal français pour la seconde période. En respectant les impératifs de compétitivité et les engagements européens et nationaux, l'étude conclut que le PNAQ 2 français devrait s'élever à 135.3 MtCO2 contre 156 MtCO2 actuellement soit une réduction de 13%. Ecofys conseille également de mieux répartir les quotas entre le secteur énergétique et l'industrie avec 52 MtCO2 pour l'énergie et 83.3 MtCO2 pour l'industrie. Pour Laetitia De Marez, chargée de campagne climat chez Greenpeace, le gouvernement français doit à présent prendre ses responsabilités et réduire le plafond des quotas alloués pour la seconde phase du marché du carbone. Pour cela, le gouvernement doit être solidaire et résister à la pression des industriels afin d'impulser les évolutions technologiques structurelles qui déboucheront sur de réelles baisses des émissions énergétiques et industrielles.
Les 25 États membres ont jusqu'au 30 juin prochain pour faire parvenir à Bruxelles leurs deuxièmes plans nationaux d'allocation des quotas. Suite à ce premier bilan 2005 plutôt inquiétant pour la pérennité du système, il semblerait que la Commission européenne ait bien l'intention de renforcer les objectifs de réduction pour la deuxième période. De plus, cette deuxième phase est cruciale puisqu'elle doit permettre d'atteindre les objectifs que s'est fixé l'Europe dans le cadre du protocole de Kyoto soit une réduction de 8% des émissions en 2012 par rapport au niveau de 1990. L'Europe va donc devoir rattraper son retard car pour l'instant, sur la période 1990-2000, les émissions de gaz à effet de serre n'ont en effet diminué que de 3,5% selon les statistiques de l'Agence Européenne de l'Environnement (AEE). Initialement, la Commission avait prévu un objectif de baisse de 6% pour la deuxième phase 2008-2012 mais elle pourrait le revoir à la hausse.