Il s'avère naïf de parler d'ignorance, car, depuis la lampe à huile en passant par la maîtrise du feu, du charbon, du pétrole, du nucléaire, etc, les politiques sont conscients que les ressources énergétiques propres à chaque époque rythment et conditionnent le développement économique des sociétés ! Nous savons bien que les énergies disponibles constituent le moteur de tout programme économique, avoue la Secrétaire générale. Et nous cherchons effectivement des alternatives à la raréfaction prévisible des énergies fossiles, notamment en nous tournant vers les professionnels pour recueillir des indications scientifiques.!
Alors l'insouciance ? On ne peut que constater l'irresponsabilité collective à l'échelle de la planète, notamment en matière de consommation énergétique inégale d'un continent à l'autre, et de conséquences au niveau de la pollution atmosphérique. Et si le Protocole de Kyoto de 1997 a sans doute sensibilisé les opinions publiques sur l'effet de serre, il n'a pas véritablement induit des politiques publiques volontaristes, capables de transformer les habitudes et la géographie des consommations énergétiques !
Imprévoyance ? Certainement ! Depuis la prise de conscience de ces questions par la société, il faut toujours autant d'efforts pour changer les comportements et obliger les pays riches à se regarder consommer et combattre les gaspillages. Au fond, notre pouvoir consiste à agir sur les opinions pour les sensibiliser, et à susciter chez les professionnels des solutions scientifiques et technologiques alternatives, suffisamment convaincantes en terme économique pour amener les citoyens à les tester eux-mêmes, a estimé Elisabeth Boyer.
Pour sa part, Corinne Lepage, ancien Ministre et présidente de Cap 21, s'est inscrite à l'opposé de ces propos. J'ai toujours plaidé pour une vraie politique en faveur des énergies renouvelables, a-t-elle revendiqué. Mais pour que le citoyen puisse se prendre en charge, comme le thème de ce colloque l'invite à le faire, encore faut-il que les entreprises qui peuvent l'aider en ce sens n'en soient pas empêchées ! D'après elle, l'un des problèmes majeurs actuels n'est pas tant lié aux besoins de subvention des ENR, qu'à la multiplication des blocages d'ordre fiscal, économique ou réglementaire, freinant leur développement !
Le programme de l'ancien Ministre ? Faire en sorte que les ENR - que Corinne Lepage baptise ''Nouvelles Technologies de l'Environnement'' ou ''Eco-Technologies'' - deviennent le fer de lance de la re-dynamisation de l'économie française ! Nous avons là un lien tout trouvé entre le développement économique, la lutte contre l'effet de serre et les pollutions de toute nature, a-t-elle insisté. Et de lancer trois propositions, dont la recherche publique. Aujourd'hui, sur 100 euros dépensés, 84 euros reviennent à l'énergie nucléaire, 15 au pétrole et le reste aux ENR. Puisque le pétrole n'a plus besoin d'argent public, il conviendrait de partager ces 100 euros en trois parts égales, entre les ENR, le nucléaire - dont il faut traiter les déchets - et le charbon qui fait déjà l'objet de nombreuses réflexions chez nos voisins. Dans un contexte de multiplication des fournisseurs d'énergie, Corinne Lepage suggère également d'assurer la liberté et l'égalité d'accès au réseau. D'où aussi sa proposition d'encourager tout ce qui concourt à l'autonomie énergétique, y compris pour les particuliers et les PME, afin d'aider au développement des ENR. Cela suppose une décentralisation du pouvoir énergétique et une législation adaptée aux priorités nationales, a-t-elle commenté. C'est-à-dire une politique qui ne s'applique pas au cas par cas en fonction des lobbies, mais partout ou bien nulle part !
Pour siéger également au Conseil régional d'Ile-de-France, Elisabeth Boyer a enchaîné en confirmant qu'il était plus facile d'agir au niveau local. Les solutions énergétiques alternatives ne doivent pas être uniformisées d'un point de vue géographique, a-t-elle précisé. Pour faire progresser la conscience des citoyens, il faut des politiques concrètes qui donnent une lecture différenciée en fonction des atouts des différentes régions. Cela implique aussi la décentralisation d'un certain nombre de moyens financiers ! Nous pensons qu'un grand ministère regroupant l'environnement, l'énergie, les transports et l'aménagement du territoire, permettrait de créer la transversalité indispensable pour créer une cohérence dans toutes ces politiques publiques, a ajouté la Secrétaire générale du PRG.
Selon Pierre Radanne, responsable de Commission nationale énergie, représentant Les Verts, le secteur de l'énergie est une problématique difficile et dangereuse qui requiert un débat clairement ordonné en fonction de priorités morales . C'est pourquoi il préfère distinguer les stratégies qui ne troquent pas un inconvénient pour un autre. Dans ce premier paquet, il propose quatre pistes : les économies d'énergie liées à l'efficacité énergétique des technologies ; la sobriété des comportements ; le développement d'ENR ne revêtant pas d'inconvénients majeurs ; et une restructuration profonde du secteur du transport. D'après lui, ces mesures doivent permettre de diviser par deux le problème. Son second paquet concerne le nucléaire et la manière discutable dont est comptabilisée l'indépendance énergétique de notre pays. Par exemple, l'uranium n'est pas extrait sur le sol français ! L'absence de parole publique nuit à la clarté de réponse, a-t-il estimé. L'insuffisance de recherche et de politique industrielle nous met dans une situation de vulnérabilité très forte. Qui plus est, la dérégulation actuelle est à contre cycle !
De son côté, Marcel Deneux, sénateur en charge des questions environnementales à l'UDF, a rappelé que la France n'est pas tout nucléaire puisque plus de 70 % d'énergie finale facturée sont d'origine fossile. Deux problèmes se posent d'après lui : le réchauffement climatique et le risque de pénurie (pétrole et uranium). Dans ce contexte, il faut utiliser toutes les sources d'énergies de manière complémentaire. Ses priorités ? Notamment la recherche, l'information et la pédagogie vis-à-vis de l'opinion publique, le renforcement du pouvoir de coordination d'EDF pour toutes les ENR produisant de l'électricité, un urbanisme et une organisation des villes revisités, et un rôle repensé des régulateurs.
Quant à Béatrice Marre, déléguée générale à l'Environnement et au Développement durable au PS, elle a considéré deux défis à relever face à la problématique énergétique : la protection de l'humanité et celle de la planète. Le premier défi implique de continuer à augmenter les richesses. Pour le second, il faut assumer cette croissance en diminuant ce qui détruit l'environnement, et donc en réduisant l'apport d'énergie. Comment les concilier ? La prise de conscience aussi bien des producteurs que des consommateurs et des électeurs, suppose que l'on réoriente notre croissance, a-t-elle résumé. Cela signifie une modification de nos comportements individuels et une mesure différente de la croissance ! Aujourd'hui, les indicateurs sont quantitatifs et monétaires. Ils comptabilisent la production de richesses mais aussi les dépenses occasionnées par la réparation des ressources naturelles détruites en la produisant. Sa première proposition concerne donc l'installation de nouveaux indicateurs de la croissance. Second engagement : la réduction des consommations d'énergie et l'obligation de rachat par EDF des kilowatts produits par des ENR. L'ambition du PS d'ici 2020 ? Atteindre 21 % d'énergie renouvelable dans la consommation finale totale facturée, et tendre vers 1 euro pour le nucléaire pour 1 euro renouvelable grâce à la recherche. La consommation finale d'énergie se divise en trois tiers, 1/3 les ménages, 1/3 l'industrie et 1/3 le tertiaire, a rappelé Béatrice Marre. Sur l'industrie, de gros efforts ont été faits pour réduire les consommations. Pour les 2 autres tiers, il reste des gisements considérables à la fois d'économie d'énergie mais aussi de production de proximité, qui permettront d'accroître l'indépendance de chacun et de réduire aussi d'autres coûts liés au transport. Nos deux priorités pour obtenir la réduction des consommations d'énergie et l'augmentation d'ENR de substitution, ce sont donc les transports et tous les types de bâtiment, habitat, équipements publics, etc, a-t-elle conclu.
La question posée est bien de dévulnérabiliser la société française, a tenu à ajouter Pierre Radanne. Dès que l'ensemble des stratégies de moindre risque aura été élaboré, il faudra réévaluer la place de chacune des énergies ! Pour cela, un effort de planification de prospective concertée s'avère nécessaire entre les niveaux national et décentralisé. L'idée, c'est de parvenir à une même vision complice à long terme et donc, à un chantier de travail commun, ménageant des points de passage obligé dans lesquels chacun doit se situer. C'est au marché et à la démocratie de permettre à chaque individu de reprendre son destin en main, a renchéri Corinne Lepage en guise de conclusion. Et dans la manière de gérer la question énergétique, c'est bien de notre destin à tous dont il s'agit !
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