Lors de son allocution en réponse au mouvement des gilets jaunes, Emmanuel Macron avait promis des mesures immédiates pour améliorer le pouvoir d'achat des Français et les accompagner dans la transition énergétique. Après quelques cacophonies gouvernementales et un passage par le Parlement, les mesures ont été adoptées dans le cadre de la loi de finances 2019. Gel de la contribution climat énergie en 2019, extension du chèque énergie, doublement de la prime à la conversion pour les véhicules, report du durcissement du contrôle technique à juillet… Finalement, quel sera l'impact de ces mesures ?
La classe moyenne, oubliée du dispositif
L'annulation de la hausse, pour 2019, de la contribution climat énergie a bien un effet immédiat pour les Français qui passent à la pompe et ceux qui se chauffent au fioul : il n'y aura pas de hausse des prix liée à cette taxe. "Cependant, le gouvernement n'a pas agi sur le prix des carburants et n'a pas supprimé les hausses des années précédentes. La France reste sur le podium des pays qui taxent le carburant", réagit Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes.
Pour contrebalancer, l'Etat a renforcé les mesures d'aides au renouvellement des véhicules… Le doublement de la prime à la casse pour les Français désireux de remplacer leur vieille voiture par un modèle performant est effectif depuis le 1er janvier. Cependant, il ne fonctionne que pour les ménages non imposables. La prime passe pour eux de 1.000 € à 2.000 € pour l'achat d'un véhicule thermique performant et de 2.500 € à 5.000 € pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable. Pour les ménages les plus défavorisés ou les personnes non imposables qui effectuent plus de 60 kilomètres par jour pour aller travailler, la prime à l'achat d'un véhicule thermique performant est portée à 4.000 €.
"Les montants de la prime à la casse n'étaient pas suffisants. La hausse est une bonne chose", analyse Vincent Licheron, chargé de mission environnement pour l'association de défense des consommateurs CLCV. Cependant, nuance-t-il, "une partie de la classe moyenne n'est pas concernée par l'augmentation de ces aides alors que leur pouvoir d'achat est impacté". Si l'intention d'aider les plus modestes à acheter des véhicules propres semble de prime abord bonne, elle semble pourtant peu réaliste. Il faut compter entre 17.000 et 40.000 € pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride. Soit un budget conséquent pour une personne gagnant moins de 6.300 € par an, soit 525 € par mois, ou pour une personne au Smic réalisant 60 km par jour pour raisons professionnelles… "Bercy est gagnant dans l'affaire. Cela permet de faire des annonces ciblées vers les plus démunis, mais qui ne coûtent pas cher à l'Etat car très peu de personnes peuvent y accéder", commente Vincent Licheron. La CLCV appelle à élargir le plus possible les aides à la transition écologique, afin qu'elles deviennent réellement efficaces.
Pierre Chasseray, de 40 millions d'automobilistes, est plus cynique : "Dans certains foyers, les enfants non imposables vont servir de prête-nom pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride. Les plus défavorisés ne seront pas les bénéficiaires de cette mesure". Selon lui, la prime à la conversion, comme le bonus malus, sont déconnectés des besoins des Français : "Le bonus malus ne prend pas en compte, dans ses critères, les différents modes de vie. Un couple avec trois enfants ne va pas acheter une Zoé électrique…".
Des aides peu efficaces ?
Quid de l'élargissement du dispositif du chèque énergie à 5,8 millions de personnes ? Certes, il soulagera plus de ménages dans le paiement des factures d'énergie (aide de 48 à 277 € par an). En revanche, il ne devrait pas permettre d'enclencher des actions concrètes, comme le changement d'appareils de chauffage, pour réduire les factures à terme. Il s'agit d'un simple pansement sur la plaie… Il existe d'autres aides, nous dira-t-on. Effectivement… "Les aides aux travaux de rénovation énergétique, comme celles proposées par l'agence nationale de l'amélioration de l'habitat (Anah) sont intéressantes, souligne Vincent Licheron. Mais elles ciblent les catégories les plus défavorisées, qui ne peuvent pas forcément avancer le coût des travaux" et donc en bénéficier réellement… La CLCV demande que ces aides soient élargies également à un public plus large.
L'UFC Que choisir fait la même analyse : "Les mesures ponctuelles annoncées, comme le renforcement de la prime pour changer son vieux véhicule ou sa vielle chaudière au fioul polluante, sont certes nécessaires mais elles viennent s'ajouter à la liste à la Prévert des aides à la transition énergétique dont l'efficacité est parfois contestable. Il devient crucial d'apporter des solutions efficaces aux 21 millions de ménages vivant dans des logements énergivores et aux millions d'automobilistes sans des alternatives crédibles en matière de transports alternatifs", estime l'association.
Le débat national annoncé par le gouvernement pour répondre à la grogne des gilets jaunes devrait aborder la question de l'accompagnement des Français dans la mobilité, l'habitat… Il démarrera le 15 janvier prochain.