Alors que la grogne des agriculteurs se poursuit en France et en Europe, le Premier ministre Gabriel Attal a annoncé plusieurs nouvelles mesures lors d'une conférence de presse en milieu de journée. Plusieurs d'entre elles reviennent sur des mesures mises en place ces dernières années pour protéger la santé publique et/ou la biodiversité, notamment par la loi d'avenir agricole de 2014 ou la loi Egalim de 2018. Détails.La FNSEA et les JA appellent à lever les blocages
A la suite de ces annonces, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs appellent, « après consultation de leurs réseaux », à transformer le mouvement de contestation des agriculteurs, en suspendant les blocages. Ils invitent leurs adhérents à travailler avec les préfectures et les administrations à la mise en oeuvre des mesures annoncées. Ils posent néanmoins un ultimatum au Gouvernement afin que de premiers résultats soient présentés d'ici le SIA et que les autres mesures soient traduites dans la loi et la réglementation européenne d'ici juin.
Pesticides : une clause de sauvegarde et des mises à l'arrêt
Une clause de sauvegarde va être prise sur le thiaclopride, un néonicotinoïde interdit depuis 2019. Autrement dit la France va interdire les importations de produits issus de cultures traitées avec cette substance insecticide. Ces clauses de sauvegarde pourraient être multipliées, a précisé le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, tout comme la mise en place de clauses miroirs pour les importations.
Alors qu'il avait été soumis à consultation récemment, le plan Ecophyto est, quant à lui, mis à l'arrêt, le temps de la mise en place d'un nouvel indicateur et de « simplifications ». Pour rappel, l'indicateur actuel, le Nodu (pour nombre de doses utilisées) a régulièrement été mis en cause ces dernières années, notamment par les organisations agricoles. Un Conseil d'orientation stratégique va être installé dès la semaine prochaine afin que les travaux aboutissent avant le salon de l'agriculture (SIA), qui démarre le 24 février, a indiqué Gabriel Attal.
Par ailleurs, le Gouvernement va faire appel des décisions de justice annulant l'approbation de cinq chartes encadrant les zones de non-traitement (ZNT) afin « de sécuriser les choses et adapter les mesures », a indiqué Marc Fesneau. Ces chartes, attaquées régulièrement par les ONG, visent à réduire les distances réglementaires de sécurité lors de traitements phytosanitaires, en contrepartie de la mise en place de mesures de protection.
De même, le conseil stratégique sera également simplifié. Un délai dérogatoire d'un an a déjà été accordé récemment pour faire face à la lenteur de la mise en place des structures de conseil. L'objectif de ce conseil était d'accompagner les agriculteurs professionnels dans la construction d'une stratégie de lutte contre les bioagresseurs, dans le cadre de la mise en place de la séparation des activités de vente et de conseil, afin que ceux qui délivrent les conseils d'utilisation des produits phytosanitaires ne soient pas ceux qui les vendent.
Enfin, il n'y aura plus de surtransposition des règles européennes sur les substances, a annoncé le Premier ministre. « Que l'Anses se prononce sans coordination avec le régulateur européen n'a pas de sens », a déclaré Gabriel Attal, indiquant que « nous sortirons de cette situation ». Depuis 2015, l'Agence de sécurité sanitaire est chargée de l'évaluation et des décisions d'autorisation ou de retrait des autorisations de mise sur le marché (AMM) des phytosanitaires, alors que, jusque-là, ces décisions incombaient au ministère de l'Agriculture.
Concurrence internationale : clauses miroirs, contrôles et nouveaux OGM
Le principe de souveraineté alimentaire sera inscrit dans la loi, a indiqué Gabriel Attal. Des plans de souveraineté seront établis pour chaque filière soumise à forte compétition internationale, notamment l'élevage, a précisé le Premier ministre. En parallèle, la France soutiendra à l'échelle européenne le rejet de la viande de synthèse « qui ne correspond pas à notre vision française » de l'agriculture et de l'alimentation, et un meilleur étiquetage des produits, « enjeu de transparence pour les consommateurs et d'équité pour les agriculteurs ».
En revanche, en matière de nouveaux OGM, « la position de la France est forte et claire, nous allons les promouvoir comme un outil de la transition écologique », a indiqué le ministre de l'Agriculture. Surprenant puisque la proposition actuellement étudiée à l'échelle européenne prévoit qu'une partie des produits issus de ces biotechnologies ne fassent pas l'objet d'un étiquetage visant à informer clairement le consommateur. De plus, l'Anses a récemment pointé du doigt les limites scientifiques de ce projet de règlement…
Le Premier ministre a réitéré l'opposition du Gouvernement au traité de libre-échange Mercosur, défendu la mise en place de clauses miroirs et de sauvegarde claires. « Nous proposerons la création d'une force européenne de contrôle pour lutter contre la fraude ». En France, les contrôles seront amplifiés également en 2024, pour lutter contre la fraude, les étiquetages frauduleux mais aussi le non-respect des lois Egalim sur les prix.
Alors que la Commission européenne a répondu en faveur de plusieurs demandes des agriculteurs sur les importations ukrainiennes ou sur les jachères, la France portera les attentes des agriculteurs sur les prairies et, en attendant, mettra en place une dérogation d'un an, a indiqué le Premier ministre.
Enfin, pour soutenir les filières locales et de qualité, le Gouvernement veillera au respect des objectifs Egalim dans la restauration collective, en veillant à une exemplarité de l'Etat.
Limiter les recours et accélérer les projets de retenues
Pour limiter les contentieux autour des installations agricoles, un décret sera présenté prochainement pour abaisser les délais de recours de quatre à deux mois, supprimer un niveau de juridiction et raccourcir les délais des contentieux à dix mois (contre deux ans aujourd'hui). Le Gouvernement va par ailleurs inscrire rapidement à l'agenda parlementaire une proposition de loi sur les troubles anormaux de voisinage visant notamment à poser un principe d'antériorité des activités professionnelles dans le cadre des conflits de voisinage. Les seuils pour les élevages liés à la réglementation sur les installations classées (ICPE) seront revus afin de « raisonner en tant qu'européens », a indiqué Marc Fesneau, sans plus de précisions. Des mesures d'assouplissement déjà annoncées en décembre dernier.
Sur l'eau, les projets seront « accélérés et soutenus », a confirmé le Premier ministre. Les collectivités départementales pourront participer au financement des dispositifs de sécurisation hydraulique, a indiqué le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Les agences de l'eau devront, quant à elles, arrêter des trajectoires de financement sur la réalisation de retenues, sur des équipements performants en matière d'irrigation et des « trajectoires plus larges de gouvernance ».
Le décret qui simplifie les règles pour le curage des cours d'eau a été publié au Journal officiel ce jeudi, a rappelé le ministre de la Transition écologique. Enfin, sur les zones humides, « trésors de biodiversité », les cartes qui circulent et qui inquiètent aujourd'hui sont « à regarder ensemble », a indiqué Christophe Béchu.
Ce dernier est enfin revenu sur la situation des agents de l'Office français de la biodiversité (OFB), ciblés aujourd'hui « mais pas seulement » par certains agriculteurs, « alors qu'ils font respecter les règles ». Des discussions vont être ouvertes pour présenter une convention dans le cadre du SIA afin d'encadrer les compétences, les pratiques et les modes opératoires, sur la base de la convention Demeter signée en 2019 entre les syndicats d'agriculteurs et la gendarmerie nationale.