Les Soulèvements de la Terre, le collectif écologiste notamment attaché aux manifestations de Sainte-Soline de l'hiver dernier, échappe pour l'instant à la dissolution prononcée, le 21 juin, par le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. Des représentants du mouvement, ainsi que de nombreuses associations environnementales et personnalités politiques, se sont opposés à cette « dissolution injuste » à travers un recours déposé en référé, le 26 juillet, devant le Conseil d'État. Demande qui a finalement été accordée ce vendredi 11 août.
Décision définitive à l'automne
« Quelle belle victoire pour les libertés et l'écologie ! », s'est félicitée Aïnoha Pascual, l'une des avocates du mouvement, sur X (ex-Twitter). Les représentants du Gouvernement ne se sont pas encore prononcés sur cette décision. En début de semaine, Pascale Leglise, la directrice des Libertés publiques et des affaires juridiques au ministère de l'Intérieur, avait cependant dénoncé les « appels à tout brûler » qui « vont au-delà de la simple désobéissance civile », en justification de la dissolution.
Une dissolution insuffisamment justifiée
La décision du Palais-Royal s'appuie sur deux fondements. D'une part, la dissolution du collectif porte atteinte à la liberté d'association et génère ainsi pour les militants une « situation d'urgence » à ne plus pouvoir l'exercer. « Si le ministre de l'Intérieur fait valoir (que) la protection de l'ordre public justifierait de ne pas suspendre l'exécution de ce décret, il n'apporte pas, s'agissant de cette dernière assertion, d'éléments suffisants à l'appui de ces allégations », juge le Conseil d'État.
D'autre part, la Haute Juridiction émet un « doute sérieux » sur la pertinence de cette injonction au regard de l'article L. 212-1 du Code de la sécurité intérieure sur lequel elle s'appuie. Pour rappel, cette disposition permet la dissolution de toute association qui, entre autres choses, « provoquent des manifestations armées ou des agissements violents à l'encontre des personnes ou des biens ». Or, atteste le Conseil d'État, « ni les pièces versées au dossier, ni les échanges lors de l'audience, ne permettent de considérer que le collectif cautionne d'une quelconque façon des agissements violents envers des personnes. Les actions promues par les Soulèvements de la Terre ayant conduit à des atteintes à des biens, qui se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d'initiatives de désobéissance civile, dont il revendique le caractère symbolique, ont été en nombre limité », rendant l'argument du Gouvernement insuffisant pour justifier son choix.
Dans leur décision, le juge des référés et les conseillers du Palais-Royal rejettent, par ailleurs, une requête auxiliaire : « enjoindre au Gouvernement (de) ne plus procéder à aucune exploitation des données, collectées avant ou après la suspension » sollicitée. Selon les requérants, « les personnes connues pour leur soutien au collectif Les Soulèvements de la Terre sont susceptibles, au prétexte de leur participation à la reconstitution d'un groupement dissous, de faire l'objet de techniques de renseignement gravement préjudiciables à leurs libertés fondamentales », au titre de l'article L. 811-3 du Code de la sécurité intérieure (autorisant les services de renseignement de recourir à des opérations de surveillance et d'écoute). Si le Conseil d'État entend bien s'exprimer sur les « excès de pouvoir » possiblement réalisés au sens large par le Gouvernement, il juge qu'il « n'y a pas lieu de faire droit (à de telles) conclusions ».