Déposée en novembre dernier par les députés Danielle Auroi (Europe Ecologie Les Verts), Dominique Potier (PS) et Philippe Noguès (PS), la proposition de loi visant à instaurer "une obligation de vigilance" des sociétés-mères multinationales, refait surface, un an après le drame du Rana Plaza, cet immeuble de Dacca, capitale du Bangladesh, qui s'était écroulé le 24 avril 2013. Plus d'un millier de travailleurs du textile y auraient trouvé la mort, avec, dans les décombres, des étiquettes de lignes de prêt-à-porter de grandes marques, notamment françaises (Camaïeu, Carrefour, Auchan).
Violations des droits humains et dégâts environnementaux
"En suivant le fil de l'industrie textile, c'est tout un tissu d'aberrations économiques, environnementales et sociales qui apparaît (…) Le secteur du textile n'est en effet pas le seul touché. Depuis la catastrophe de Bhopal, en Inde, nous savons que les multinationales reconnaissent difficilement leur responsabilité. Shell au Nigeria, Areva au Niger… les exemples ne manquent pas", a déclaré le 24 avril Danielle Auroi, députée écologiste du Puy-de-Dôme. "Face à leurs bataillons d'avocats, les victimes et les ONG sont démunies. C'est la raison pour laquelle il est impératif, aujourd'hui, de se doter d'un cadre juridique stable, qui permette de faire passer l'intérêt général avant les intérêts privés", a-t-elle ajouté.
Cette proposition de loi, visant à renforcer la responsabilité environnementale et sociétale (RSE) des entreprises, "marque une première étape. Déposée par les quatre groupes de gauche à l'Assemblée, elle n'est pas révolutionnaire. Cependant, elle suscite une violente opposition des lobbies patronaux, qui utilisent des arguties juridiques pour tenter de nous faire reculer", a dénoncé Mme Auroi.
Pourtant, plusieurs experts en droit, à commencer par Olivier de Schutter, rapporteur spécial de l'ONU, ont récemment soutenu "la faisabilité juridique" de cette proposition de loi. La notion de responsabilité des multinationales a néanmoins été introduite dans le projet de loi sur le développement adopté en février dernier par l'Assemblée en première lecture mais "sur le principe seulement", déplore la députée. Selon ce texte, les multinationales devront s'engager avec des "procédures de gestion des risques visant à identifier, à prévenir ou à atténuer les dommages sanitaires et environnementaux résultant de leurs activités".
La proposition de loi veut aller plus loin et vise à co-responsabiliser les sous-traitants, les filiales et leurs maisons-mères en cas de violation des droits humains ou de catastrophe environnementale, en introduisant "une obligation de moyen" en matière de prévention de ces dommages.
Le texte a été réalisé à l'aide d'ONG membres du Forum citoyen pour la RSE, d'acteurs de la société civile et de juristes parmi la Clinique de l'Ecole de Droit de Sciences Po. Pour l'ONG Amnesty : "Au Rana Plaza, si cette loi avait existé, les entreprises auraient pu prévenir le drame en identifiant les risques liés au bâtiment d'une part et elles auraient pu voir leur responsabilité juridique engagée d'autre part". Les associations Sherpa, Peuples solidaires et le collectif Ethique sur l'étiquette ont porté plainte le 23 avril contre le distributeur Auchan auprès du parquet de Lille, dans le cadre du Rana Plaza.
Les députés et les ONG demandent à ce que la proposition de loi soit débattue au Parlement.