Les politiques de prévention des déchets devraient avoir des résultats significatifs dans les années à venir, notamment sur les volumes de ordures ménagères résiduelles (OMR), autrement dit celles qui restent après le tri à la source et la collecte séparée. Mais comment limiter les coûts de la gestion de ces déchets face à la réduction des volumes ? C'est à cette question que répond l'Ademe dans un avis (1) publié le 13 avril.
"Les premiers retours indiquent qu'une réduction significative est d'ores et déjà accessible (en 2013 plus de 170 collectivités collectent moins de 150 kg/hab/an d'OMR pour une moyenne nationale de 269 kg/hab/an), à un coût de gestion globale à la tonne de déchets ménagers identique, voire plus faible, quand l'ensemble du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers fait l'objet d'une optimisation". L'Ademe fournit un certain nombre de préconisations pour y parvenir.Zéro waste demande un gel des projets
L'association Zero Waste France s'appuie sur l'avis de l'Ademe pour demander un gel des projets d'installations de traitement des OMR, alors que "les Régions se lancent, conformément à la loi Notre, dans des exercices de planification de la prévention et de la gestion de l'ensemble des déchets, à horizon six et douze ans".
Partageant également l'analyse sur les unités de prétraitement, notamment le tri mécano-biologique, elle demande l'abandon définitif de cette technologie. "La conséquence de cette analyse est très claire : il relève désormais des Préfets de ne plus délivrer les autorisations d'exploiter demandées", déclare sa directrice Flore Berlingen.
Anticiper et mutualiser les équipements
Face à la réduction des volumes, les collectivités vont se retrouver face au défi d'optimiser les unités de traitement existantes et de planifier correctement les investissements nécessaires à venir. "La durée de vie des équipements de traitement dédiés est souvent égale ou supérieure à 15 ans selon leur nature (par exemple prétraitement par tri : 15 ans, incinération : plus de 20 ans). L'objectif de réduction impacte directement le choix et le dimensionnement des nouveaux outils de traitement de cette fraction résiduelle", souligne l'Ademe.
La réduction des volumes doit être anticipée pour pouvoir adapter l'économie des équipements de traitement. Sans une telle analyse, le risque est de voir le coût de la tonne de déchets traités s'envoler, notamment pour l'incinération qui comporte une part importante de charges fixes. Un état des lieux des structures existantes est nécessaire, estime l'Ademe, qui rappelle que les projections tablent sur des capacités d'incinération constantes sur le territoire. "Ce parc devra néanmoins évoluer vers un meilleur rendement énergétique : l'objectif est que l'incinération avec une valorisation énergétique insuffisante (c'est-à-dire avec un rendement inférieur au rendement de référence européen) ait diminué de moitié entre 2010 et 2025, et que l'incinération sans aucune récupération d'énergie (13 unités recevant 0,3 Mt en 2013) ait totalement disparue d'ici 2025".
La mutualisation des capacités existantes sera donc nécessaire entre collectivités, quitte à réduire la part de déchets d'activités économiques non triés à la source entrant dans ces installations. Des coopérations élargies entre territoires contigus en termes de partage d'autres équipements (centres de tri, unités de traitement biologique…) devront être envisagés, dans le but d'"élargir le périmètre d'alimentation local des unités d'incinération avec valorisation énergétique afin de compenser la baisse du tonnage de déchets résiduels".
Attendre le retour d'expérience sur les CSR
Mais certains territoires devront réfléchir en d'autres termes. "En l'absence d'exutoire d'incinération avec valorisation énergétique, la question de la pertinence de nouvelles unités de prétraitement des OMR (2,2 Mt OMR ainsi traitées en 2013 majoritairement pour produire un compost) fait souvent débat", indique l'Ademe, qui juge risqué économiquement de parier sur les technologies de tri mécano-biologique.
En revanche, la préparation d'un combustible de récupération (CSR), choisie par certains pays européens qui ont déjà fortement réduits leurs volumes de déchets, pourrait constituer une alternative, à condition de structurer cette filière. "Les quelques démonstrateurs sur déchets ménagers en démarrage doivent également être accompagnés et évalués, mais doivent rester à ce stade une exception", estime-t-elle. Leur retour d'expérience sera déterminant.