Consultant senior pour le cabinet Bipe
Actu-environnement.com : Qu'est-ce qui vous a amené à comparer les pratiques en matière de reporting des déchets dans l'Eurostat?
Joshua Berger : Dans le cadre de nos travaux pour l'observatoire des Services urbains de l'environnement, Enviroscope, l'Ademe, Sita et Séché nous ont demandé de nous pencher sur le processus de déclaration des déchets et identifier des différences de convention dans la classification des déchets au niveau des opérateurs qui pourraient avoir des impacts sur les statistiques européennes.
Nous nous sommes intéressés uniquement aux tonnages des déchets et avons suivi comment les différentes catégories se retrouvaient classées en déchets ménagers dans les données Eurostat.
AE : Qu'avez-vous pu dégager ?
JB: Nous avons identifié un problème lors de la classification des déchets par les opérateurs.
Un travail mené l'an dernier montre que les statistiques allemandes ne comptabilisent pas la mise en décharge indirecte (1) et donc ont tendance à sous-estimer la mise en décharge totale d'un facteur 10. En France, les opérateurs des déchets, dans les régies ou les opérateurs privés, n'ont pas la même approche.
Par exemple, des refus de tri peuvent être classés comme des déchets ménagers normaux : nous avons donc tendance à surestimer la quantité de déchets ménagers.
AE : Quelle quantité de déchets cela représente ?
JB : Même si ce n'est pas négligeable, nous ne pensons pas que ce biais va entraîner de grands changements, par exemple que la France va passer devant l'Allemagne en matière de valorisation. Nous nous situons autour de 28% pour le taux de stockage et, bien que le Bipe n'ait pas pu réaliser d'estimation quantifiée de ce chiffre, on peut supposer que ce biais puisse jouer sur 5% environ
AE : Quelles autres différences avez-vous identifiées?
JB : Nous avons constaté une autre différence dans la classification qui a priori n'a pas d'impact : des emballages de la grande distribution peuvent être considérés comme des emballages de ménages. Cela n'a pas d'impact au niveau des enquêtes collecte et ITOM de l'Ademe , car ils sont comptés dans la même catégorie.
AE : Des mesures correctives sont-elles prévues ?
JB : Au niveau de la Fnade (2) , un travail est conduit pour tenter d'harmoniser les conventions de déclaration avec les autres pays. L'idée est de faire comme en Allemagne : classer les déchets d'emballage de la grande distribution comme tel et considérer les refus de tri. Il faut juste changer les habitudes.
AE : Quelle sera la suite donnée à ces travaux ?
JB : Pour estimer les tonnages, une enquête auprès des opérateurs devrait être ouverte.
L'année prochaine, nous devrions également comparer de manière plus précise les conventions qui sont utilisées dans les différents pays : la France par rapport au Royaume-Uni par exemple, identifier les différences et estimer les impacts en terme de pourcentage de stockage.