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Les parcs naturels régionaux en France sont administrés sans tenir compte de la participation citoyenne

Dominique Julien-Labruyère relève l'absence d'une réelle prise en compte de la participation citoyenne dans l'administration des PNR, et que cette carence ne peut plus perdurer à une époque où un développement territorial plus soutenable est nécessaire.

DROIT  |  Tribune  |  Gouvernance  |  
   
Les parcs naturels régionaux en France sont administrés sans tenir compte de la participation citoyenne
Dominique Julien-Labruyère
Cofondateur du PNR de la Haute Vallée de Chevreuse, rapporteur sur la gouvernance locale des aires protégées auprès du ministre de l'Écologie en 2009, ancien conseiller régional d’Ile de France
   

La participation citoyenne est l'ADN des parcs naturels régionaux (PNR). Sans elle, ils sont condamnés à devenir des coquilles vides et à disparaître à terme. Ces institutions sont basées sur la mise en place de projets innovants en matière de protection de la nature : « une autre vie s'invente ici » telle est leur devise.

Alors, même si la participation citoyenne est difficile à organiser, pourquoi minimiser son application dans la plupart de nos 58 PNR ?

Le code de l'environnement n'a pourtant pas remis en cause ce qui fut explicitement prévu lors de la création de ces organisations territoriales, il y a 57 ans. Le décret du 1er mars 1967[1] instituant les PNR, signé par le président de la République de l'époque Charles de Gaulle, comporte huit articles, presque tous globalement respectés, 57 ans après, en tenant compte du code de l'environnement.

Le décret affirme, à juste titre, que l'initiative incombe aux communes ou groupements de communes,ce qui est toujours le cas, aujourd'hui, avec l'instauration des régions. Mais l'article 5 a été occulté, alors qu'il concerne la concertation au sein de la gestion des Parcs :« Le classement en parc naturel régional est subordonné à la présentation de la charte constitutive, ensemble de documents comportant notamment : 1. La définition de l'organisme de droit public ou privé chargé spécialement d'aménager et de gérer le parc avec la participation de représentants des personnes habitant ou propriétaires dans le parc et des usagers de celui-ci, éventuellement groupés en une association (...) L'indication des mesures qu'il apparaît nécessaire de prendre dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires en vigueur et des engagements auxquels souscrivent ou pourront souscrire les collectivités locales, les établissements publics et les particuliers. »

Aujourd'hui, nos 58 PNR sont administrés par des syndicats mixtes, composés uniquement d'élus locaux.

Les avis des habitants et usagers sont obligatoirement pris en compte lors de la création ou de la révision de la charte constitutive, soumise à une enquête publique, mais ils sont ignorés dès que le classement a été réalisé, pour les 15 ans à venir ! Les syndicats mixtes mettent simplement en place des commissions thématiques ouvertes au public, dont les avis restent sous l'autorité du comité syndical.

Alors que nos sociétés sont confrontées, dans ce domaine, à une double équation - une volonté affichée par la grande majorité des citoyens, de défendre leur propre environnement et une demande de participation aux décisions en véritables acteurs de la vie publique - il est peut-être temps de faire confiance aux citoyens en leur confiant les clés de la gestion de leurs propres territoires !

Les associations présentes dans les PNR contribuent au tissu socioéconomique du territoire et peuvent, en fonction de leur objet, constituer des partenaires ou des relais privilégiés de l'action du Parc. Elles sont des lieux propices au développement de liens sociaux pour la mise en œuvre de la charte du Parc. Pour les syndicats mixtes, le partenariat avec ces associations devrait donc exister, en instaurant une relation de confiance et de complémentarité, avec un partage de projets débouchant sur une démocratie participative.

Dans la plupart des parcs, les associations « Amis des Parcs » restent vigilantes, alors qu'elles ne sont admises qu'avec une voix consultative et ne sont donc écoutées que lorsqu'elles ne remettent pas en cause ce qui a été décidé au préalable.

La vocation des PNR est d'être exemplaire, alors instaurons une nouvelle démocratie représentative sur ces territoires !

La gestion d'un PNR n'a rien de commun avec celle d'une commune ou d'une communauté de communes, il s'agit de bâtir et de réaliser des projets environnementaux édifiants pour une période donnée. Les maires et conseillers municipaux de ces parcs ne doivent plus continuer à ignorer celles et ceux qui y vivent et aiment leur région en les écartant de la gestion des syndicats mixtes !

Consciente de la nécessité de réformer ce système trop rigide, la Fédération des Parcs naturels régionaux avait défini les contours d'une nouvelle gestion commune, garantissant l'intérêt général et ouverte à la société civile, pour permettre une démocratie d'initiative. Elle proposait de créer un Établissement public Parc naturel régional (EP PNR) à inscrire dans le code de l'environnement, mais comme les syndicats mixtes sont déjà des établissements publics, ce n'est pas nécessaire !

En revanche, inclure la participation citoyenne est possible en ouvrant les statuts de ces syndicats mixtes à des délégués qui seraient issus de la population locale. Gérés par un conseil composé d'élus, d'habitants, d'usagers, d'acteurs économiques locaux, d'agriculteurs et de représentants du personnel, ces nouveaux PNR pourraient, chaque année, faire le point et diffuser publiquement ce qui a été réalisé et quels sont les projets à venir. Ces forums deviendraient le cœur vital de ces Parcs en revitalisant et expliquant leurs actions.

Créer une démocratie participative sur des territoires dont la vocation est la préservation de la nature n'est pas facteur de risque. La cohabitation entre les humains et la nature, malgré l'urbanisation et le changement climatique, constitue un formidable enjeu. Les Parcs ont déjà une grande expérience en matière d'eau, de milieux aquatiques, d'agriculture et de forêt. Ils portent un regard nouveau sur le tourisme, le meilleur moyen de connaître la nature, la fréquenter, apprendre à l'aimer et donc la respecter.

Ce sont des territoires aux patrimoines naturels et culturels riches et fragiles, dotés de réelles protections contractuelles et réglementaires. Ils représentent la richesse de la biodiversité française et sont des modérateurs d'étalement urbain.

Mais quel est leur avenir, s'ils n'intègrent pas à leur action locale des femmes et des hommes mobilisés et désireux d'agir ? À terme, ils risquent de ne plus être soutenus par les pouvoirs publics, vu leur statut institutionnel spécifique, alors que leur longue expérience les rend agiles, adaptables et inventifs. À une époque où il est nécessaire d'initier de nouvelles solutions pour un développement territorial plus soutenable, il serait absurde de se priver d'un outil finalement assez peu coûteux et aussi efficace.

La gouvernance locale des PNR permettrait de réaliser en grandeur nature une démocratie participative sur tout le territoire national. Cette action serait utile pour la cohésion sociale en attirant nos concitoyens vers ce qui peut les rassembler pacifiquement, la protection de la nature et pour l'État dont l'action dans ce domaine est mal comprise.

Ouvrir les syndicats mixtes, en y intégrant les populations concernées comme cela a été décrété il y a 57 ans, doit être la règle aujourd'hui, nous ne pouvons perdurer dans cette carence, aucun citoyen ne peut l'accepter ! C'est une priorité nationale pour l'avenir de notre territoire et un exemple pour le futur.

Dans un monde où Homo sapiens a interagi pendant plusieurs centaines de milliers d'années avec une faune riche et omniprésente, une pratique orientée vers la cohabitation entre toutes les activités humaines et les habitats naturels doit être notre objectif commun.


[1] D. n°67-158, 1er mars 1967 : JO 2 mars

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