Si 97,5 % des Français ont accès à une eau de bonne qualité, près de 2 millions de citoyens reçoivent une eau polluée, indique l'UFC-Que choisir qui a analysé les informations publiées sur le site du ministère de la Santé pendant deux ans pour établir un diagnostic de la qualité de l'eau du robinet pour les 36.568 communes métropolitaines. "Il y a une fausse transparence de la part du ministère : les données sont disponibles mais ne sont pas exploitables par l'usager". Six critères ont été étudiés parmi les 50 réglementaires définis pour la potabilité de l'eau : la qualité bactériologique, l'aluminium, la radioactivité, les pesticides, les nitrates et le sélénium. Pour établir son "classement" de la qualité de l'eau potable, l'association de consommateurs a établi qu'une eau était jugée non conforme à partir du moment où plus de 25 % des analyses étaient supérieures à la norme. "Il n'est pas question d'affoler à tort la population en mettant en exergue des accidents de parcours", explique Alain Bazot, président de l'UFC-Que choisir. Un site Internet dédié est lancé, qui informe commune par commune de la qualité de l'eau potable.
Les petites communes pas assez contrôlées
L'association souligne en premier lieu une discrimination des habitants de petites communes : "Nous ne trouvons aucune pollution dans les grandes agglomérations ou les villes de moyenne taille. La raison : plus le réseau est grand, plus il fait l'objet de contrôles. Cette exception réglementaire pour les petites communes ne se justifie pas à l'heure de l'intercommunalité", souligne Sylvie Pradelle, administratrice nationale de l'association. Les petites communes sont particulièrement concernées par la radioactivité (4 % des pollutions constatées) et les défauts de réglage des traitements de l'eau (27 % des pollutions). Les contaminations bactériennes touchent ainsi 1.089 communes (276.000 consommateurs) et les dépassements en aluminium, utilisé lorsque l'eau brute est trouble, concernent 491 communes (157.271 consommateurs).
Des pollutions agricoles "payées" par le consommateur
Mais les deux tiers des pollutions constatées sont liés à "la ferme France". Dans 69 % des cas en effet, les polluants d'origine agricole sont à l'origine de la non-conformité de l'eau du robinet, indique l'UFC-Que choisir, qui constate une concordance entre la pollution des rivières "par l'agriculture intensive" et la non-conformité de l'eau potable. Les dépassements de seuils dus à l'atrazine ou à un cumul de pesticides touchent 742 communes, soit 679.000 consommateurs, y compris dans des villes de taille importante. Le quart Nord-Est est "saturé" aux nitrates (335 communes, soit 232.000 consommateurs), tandis que la Bretagne fait l'objet d'une "dépollution en trompe-l'œil". "L'eau en Bretagne est très polluée alors que celle qui arrive dans les foyers est conforme. Cela est du à des mesures illusionnistes : dilution de l'eau conforme et de l'eau polluée pour respecter les normes, abandon des captages les plus atteints, dénitrification. En réalité, le problème des nitrates en Bretagne reste entier", indique Sylvie Pradelle.
Après la Cour des comptes, le Conseil d'Etat et le Commissariat général au développement durable (CGDD), l'UFC dénonce à son tour des "solutions essentiellement palliatives" et le coût payé par les consommateurs, estimé entre 7 et 12 % de la facture d'eau. "Alors que les agriculteurs sont à l'origine de 75 % de la pollution aux nitrates, ils ne contribuent qu'à hauteur de 1,2 % au coût de la dépollution. En revanche, celui-ci pèse à 90 % sur les consommateurs. On est dans un principe de pollué-payeur", analyse Olivier Andrault, chargé de mission de l'UFC.
Pour Alain Bazot, "on ne va pas pouvoir continuer cette fuite en avant. Nous ne stigmatisons pas les agriculteurs qui pratiquent logiquement l'agriculture la plus rémunératrice, mais la politique agricole qui n'encourage pas le changement. Il faut faire appliquer le principe de pollueur-payeur, réserver les aides de la politique agricole commune aux modes de production inspirés des agricultures intégrées et biologiques et protéger efficacement les captages, ce qui est prévu par la loi de 1992 et qui n'est pas appliqué aujourd'hui".
Saisine de l'Anses sur les pollutions au sélénium
Enfin, l'UFC souligne une contamination émergente : le sélénium, qui "est un indicateur de l'utilisation trop importante des nappes profondes". En effet, dans les régions fortement touchées par des pollutions de l'eau, la tentation est grande d'aller chercher une ressource plus profonde et mieux protégée des pollutions de surface. En raison de l'absence de données sur l'impact d'une exposition à ce contaminant, l'association a saisi l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) "afin de mesurer l'exposition de la population et d'en identifier les risques". Selon l'UDC, 165 communes seraient concernées, soit 187.000 consommateurs.