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Droit des énergies renouvelables : retour sur l'année écoulée

L'année 2023, toujours marquée par le contexte de la crise énergétique et l'urgence climatique, voit l'UE accélérer avec ambition le développement des ENR. Mais le cadre juridique national semble toujours aussi réfractaire à toute accélération.

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Droit des énergies renouvelables : retour sur l'année écoulée
David Deharbe et Marie-Coline Giorno
Avocat associé gérant et avocate of counsel, Green Law Avocats
   

La directive RED III[1] complète[2] la rationalisation des procédures administratives d'autorisation. Le législateur européen opte pour une planification territoriale des énergies renouvelables (ENR), qui doit privilégier les surfaces artificielles et construites et éviter les zones protégées, les sites Natura 2000 ou envisager des mesures d'atténuation appropriées. Les délais d'instruction sont pour le moins contractés dans ces zones et les évaluations environnementales sont réduites, voire supprimées dans certains cas,

Le plus spectaculaire sans doute : la nouvelle directive fixe une part minimale de 42,5 % d'ENR et introduit ou approfondit des mesures afin d'atteindre cet objectif très ambitieux.

Pendant ce temps en France, pour éviter des coupures d'électricité, les centrales à charbon obtiennent l'autorisation de fonctionner 500 heures supplémentaires par rapport aux 1 300 heures existantes[3]

Bien plus grave, le décret du 28 juin 2023[4] relatif aux modalités de déclaration et de paiement de la contribution sur la rente infra-marginale de la production d'électricité, pris en application de l'article 54 de la loi de finances pour 2023[5] applique un seuil de 100 €, soit le plus sévère d'Europe ! Certes, pour rattraper son retard en matière d'ENR et au regard de l'urgence climatique, énergétique et géopolitique, la loi du 10 mars 2023[6] dite Aper a été adoptée. Le Conseil constitutionnel en a validé les principales dispositions, censurant onze cavaliers législatifs[7].

Son objectif est de simplifier et de sécuriser en particulier la procédure d'autorisation environnementale et de diviser par deux le temps d'instruction des projets ENR. Mais on l'a déjà écrit ici : le vrai sujet en la matière demeure la résistance des services déconcentrés eux-mêmes mais aussi un contrôle juridictionnel qui ressemble à un parcours d'obstacle. Tout n'est peut-être pas perdu, nos ENR s'enrichissant officiellement cette année d'une petite dernière : l'énergie osmotique[8] entre dans la liste des ENR[9]. Déroulons en attendant le fil 2023 de l'actualité juridique des ENR.

I. Le vent

1. Programmation d'un déploiement de l'éolien en mer

Plusieurs dispositions de la loi Aper cherchent à satisfaire l'objectif de la France de déployer d'ici 2050 une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour atteindre 40 gigawatts (GW). Aux termes de l'article 56, dans le cadre du document stratégique de façade, une cartographie devra identifier des zones prioritaires pour les parcs éoliens en mer et leurs raccordements, afin d'atteindre les objectifs de la PPE[10], tout en prenant en compte les aires marines protégées.

Les modalités de la participation du public sont également réorganisées par le législateur[11]. Les éoliennes flottantes se voient dotées d'un statut juridique[12], avec immatriculation, soumissions à des prescriptions techniques d'ordre réglementaire (non encore édictées) et un mécanisme de sanctions administratives doublées de sanctions pénales.

Le contentieux administratif de l'éolien maritime intègre les nouveaux pouvoirs de régularisation de l'autorisation environnementale.

L'article 61 de la loi modifie l'article L. 181-2 du code de l'environnement en ajoutant à la liste deux autorisations intégrées dans l'autorisation environnementale.

2. Dérogation "espèces protégées"

2.1. Exigence de la dérogation

Comme l'expose très justement Sébastien Bécue à l'occasion de son bilan annuel sur la jurisprudence éolienne, confrontés à la délicate question de l'exigibilité d'une dérogation, pour le Conseil d'État, il est acquis que les juges du fond « doivent tenir compte des mesures d'évitement et de réduction proposées et (…) vérifier si celles-ci sont susceptibles de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé. Une cour ne peut ainsi se borner à constater que ces mesures ne permettent pas d'écarter tout risque pour les espèces concernées ».

Par ailleurs, le vice du défaut de dérogation est régularisable, il ne saurait à lui seul justifier une annulation sèche[13].

Le législateur s'est, pour sa part, saisi de l'inaccessible condition de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM), exigée par l'article L. 411-1 du code de l'environnement pour espérer obtenir une dérogation de destruction d'espèces naturelles.

2.2. Présomption d'intérêt public majeur

Un décret du 28 décembre 2023[14] pris pour l'application de l'article 19 de la loi Aper rend, dès le 29 décembre 2023, ce dispositif opérant[15]. L'article. R. 211-2 du code de l'énergie retient les seuils suivants pour un projet d'installation situé à terre produisant de l'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent sur le territoire métropolitain continental :

- la puissance prévisionnelle totale de l'installation est supérieure ou égale à 9 mégawatts ;

- la puissance totale du parc éolien terrestre raccordé à ce territoire, à la date de la demande de dérogation aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1 du code de l'environnement, est inférieure à l'objectif maximal de puissance du parc éolien terrestre sur ce territoire, défini par le décret relatif à la PPE mentionné à l'article L. 141-1 du code de l'énergie.

2.3. Atteinte à une espèce protégée et insuffisance de l'étude d'impact du permis de construire

Par une décision du 11 janvier 2023[16], la Cour de cassation a jugé que toute méconnaissance des règles d'urbanisme pouvait servir de fondement à une action en démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire annulé ultérieurement, dès lors que le demandeur démontre un préjudice personnel résultant de la violation de ces règles. Elle en a déduit que l'insuffisance de l'étude d'impact faisait partie des règles d'urbanisme dont la violation pouvait justifier l'action en démolition si, conformément à l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, le permis de construire a été annulé par le juge administratif et si la construction se trouve dans une des zones protégées listées dans cet article. Elle avait, par conséquent, renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Nîmes pour être rejugée.

Or, dans cette affaire, le juge administratif avait lui-même conclu à l'insuffisance de l'étude d'impact du fait que « l'implantation du parc éolien (…) aura un impact sur les territoires de chasse et éventuellement sur la nidification », information dont a été privée le public, et cette insuffisance a exercé une influence sur la décision du préfet de l'Hérault[17].

La cour d'appel de Nîmes confirme le démontage de sept éoliennes dans l'Hérault dans un délai de quinze mois[18]. La cour a encore eu à apprécier si la démolition des ouvrages constituait une sanction proportionnée ou non à la gravité des griefs et à leurs conséquences ou à l'existence d'un intérêt ou droit fondamental. L'exploitant demandait de limiter la condamnation à démolition à la seule éolienne ayant causé la destruction d'un aigle royal. Au contraire, la cour a retenu la mise en cause du parc dans son ensemble quant à l'atteinte aux espèces aviaires. L'opérateur s'est pourvu en cassation … affaire à suivre.

2.4. Défaut de dérogation - limites aux pouvoirs du juge judiciaire des référés

Par un arrêt du 21 décembre 2023[19], la Cour de cassation rend une décision essentielle sur la séparation des autorités administrative et judiciaire, d'une grande portée pratique en droit de l'environnement industriel. Selon la Cour de cassation, « les autorisations environnementales délivrées au titre de la police de l'eau et de celle des ICPE constituent, quelle que soit leur date de délivrance, des autorisations globales uniques excluant la compétence du juge des référés judiciaire pour se prononcer sur une demande de suspension d'activité au motif du trouble manifestement illicite résultant de l'absence de dérogation à l'interdiction de destruction de l'une de ces espèces protégées »[20].

3. Impact paysager de l'éolien

La loi Aper[21] retient la prise en compte des éoliennes « existantes dans le territoire concerné » pour prévenir les « effets de saturation visuelle », que le Conseil d'État refuse d'apprécier au titre du R. 111-2 du code de l'urbanisme[22] mais qu'il accepte de contrôler via l'autorisation environnementale[23]. Cette notion de saturation visuelle projetée sur un territoire concerné va constituer un enjeu majeur, à l'avenir, du contrôle juridictionnel sur l'impact paysager de l'éolien. Et le juge se trouve plus que jamais exposé au risque de contribuer lui-même et arbitrairement à la construction sociale de la définition du paysage…

4. Contraintes radars militaires

Le Conseil d'État semble toujours aussi peu disposé à faire intégrer l'intérêt public des ENR, et en particulier des éoliennes, à la stratégie de la défense nationale de mitage du potentiel éolien par des radars militaires prétendument exposés à un effet de masque engendré par les aérogénérateurs[24]. Manifestement, la défense nationale et le Conseil d'État n'entendent pas soumettre à la contradiction, et encore moins à l'expertise judiciaire, ses pseudo-études aéronautiques, justifiant les avis conformes empêchant le développement éolien.

Mais cela se traduit immanquablement par une incapacité de l'État français à justifier le bien-fondé scientifique et opérationnel des critères que la défense oppose aux opérateurs.

Pour contourner l'impossible mise en droit du parti pris par la défense mais aussi de Météo-France, des radars de compensation sont désormais mis à la charge des opérateurs[25].

Le préfet de département peut subordonner la construction ou la mise en service de nouvelles éoliennes soumises à autorisation environnementale à la prise en charge par l'exploitant de l'acquisition et de l'installation de radars compensatoires. Le montant et les modalités de cette prise en charge par l'exploitant sont définis par une convention conclue, selon le cas, avec l'autorité militaire ou avec le ministre chargé de l'Aviation civile.

S'agissant des installations de Météo-France, la compensation prend la forme d'une obligation de fourniture de données d'observation. Une décision du 5 décembre 2023 définit les conditions à remplir par un pétitionnaire pour bénéficier du dispositif de compensation. Une partie des frais afférents à la mise en œuvre de ces obligations peut être prise en charge par l'État, dans le cadre du cahier des charges de la procédure de mise en concurrence[26]. Ces obligations de compensation sont applicables aux installations pour lesquelles la demande d'autorisation environnementale n'a pas fait l'objet d'un avis d'enquête publique au 11 mars 2023. Un arrêté du 11 juillet 2023[27] est venu compléter l'arrêté ministériel du 26 août 2011[28] relatif aux éoliennes soumises à autorisation au titre de la rubrique 2980[29].

5. Contentieux éolien

5.1. Intérêt à agir des collectivités territoriales

Dans le cadre d'un contentieux d'autorisations environnementales de parcs éoliens, le Conseil d'État a précisé les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales ont intérêt à agir en tant que « tiers intéressés »[30].

5.2. Défaut d'intérêt à agir pour l'opérateur concurrent des collectivités territoriales

Un exploitant ne peut, en sa seule qualité de concurrent, contester l'autorisation environnementale d'un parc éolien voisin. Il doit démontrer, du fait de la proximité entre les deux parcs, soit de la réalité de perte de production soit l'augmentation d'un risque d'accident[31].

5.3. Représentation de l'État dans les contentieux éolien

Dérogeant au principe de la représentation ministérielle en appel[32], un nouvel article R. 431-12-1 du code de justice administrative prévoit que, depuis le 1er juillet 2023, pour les litiges nés de l'activité des services de la préfecture et relatifs aux décisions en matière d'éolien terrestre qui relèvent des cours administratives d'appel en premier et dernier ressort, le préfet est compétent pour présenter les mémoires et observations produits au nom de l'État[33].

Sont concernées les décisions mentionnées à l'article R. 311-5 relatives aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent classées au titre de l'article L. 511-2 du code de l'environnement, à leurs ouvrages connexes, ainsi qu'aux ouvrages de raccordement propres au producteur et aux premiers postes du réseau public auxquels ils sont directement raccordés.

5.4. Obligation de notification des recours

L'article 23 de la loi Aper a modifié l'article L. 181-17 du code de l'environnement, en imposant à l'auteur d'un recours (administratif ou contentieux) contre une autorisation environnementale de le notifier à l'auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision, à peine d'irrecevabilité.

Le décret d'application fixe les conditions de cette notification à peine d'irrecevabilité[34], formalités qui s'appliquent aux recours relatifs aux autorisations environnementales et aux arrêtés complémentaires pris à compter du 1er janvier 2024[35]. L'obligation de notification doit figurer sur le panneau d'affichage et la publication des décisions prises au titre de l'article R. 181-51 du code de l'environnement[36].

II. Le soleil

1. Libération du foncier

La France s'est fixé l'objectif de multiplier par huit notre capacité de production d'énergie solaire pour dépasser les 100 GW à l'horizon 2050. Le titre III (art. 34 à 54) de la loi Aper intensifie les possibilités d'implantation en libérant des terrains déjà artificialisés ou ne présentant pas d'enjeu environnemental.

La production d'énergie solaire le long des autoroutes et des routes de grande circulation est facilitée par l'article 34 de loi Aper, qui supprime l'interdiction de construction dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d'autre des routes visées à l'article L. 141-19 du code de l'urbanisme et en élargissant la dérogation prévue à l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme à toutes les installations de production d'énergie « photovoltaïque et thermique », quel que soit le terrain d'implantation[37].

Par ailleurs, à la condition de ne pas compromettre la sécurité des circulations ferroviaires, le bon fonctionnement des ouvrages, des systèmes et des équipements de transport ainsi que leur maintenabilité, l'interdiction des constructions proches de l'emprise de la voie ferrée[38] ne s'appliquera plus aux procédés de production d'ENR intégrés à la voie ferrée ou installés aux abords de la voie ferrée.

Selon la même logique, l'article 37 autorise, dans les zones soumises à la loi Littoral[39], l'implantation de panneaux photovoltaïques au sol ou d'hydrogène renouvelable sur des friches ou sur des bassins industriels de saumures.

C'est aussi l'article 47, I de la loi qui prévoit que le PPRN[40] peut définir, dans les zones directement exposées aux risques et dans celles indirectement exposées aux risques, des exceptions aux interdictions ou aux prescriptions afin de ne pas s'opposer à l'implantation d'installations de production d'énergie solaire dès lors qu'il n'en résulte pas une aggravation des risques. Et si un PPRI[41] opposable ne définit pas d'exceptions pour l'implantation d'installations de production d'énergie solaire, le préfet de département peut définir de telles exceptions et les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée, par un arrêté motivé rendu public et après consultation des maires et des présidents d'EPCI[42] concernés. Ces exceptions cessent d'être opposable si elles ne sont pas reprises au terme de la procédure de modification du PPRN, achevée dans un délai de 18 mois à compter de la publication de l'arrêté du préfet[43].

L'article 39 permet l'implantation d'installations solaires au sol en discontinuité d'urbanisme dans les communes de montagne dotées d'une carte communale, non couvertes par un schéma de cohérence territoriale (Scot)[44].

2. Allègement de la mise enconcurrence sur le domaine public de l'État

En principe, le titre autorisant l'occupation du domaine public aux fins d'une exploitation économique notamment est attribué après une mise en concurrence préalable[45]. Afin d'accélérer le développement de projets de production d'ENR, l'article 36 d la loi Aper permet, depuis le 12 mars 2023, aux gestionnaires du domaine public de l'État de renoncer à organiser une procédure de mise en concurrence pour la délivrance d'un titre d'occupation du domaine public dès lors qu'une mise en concurrence a déjà été prévue pour le développement des ENR et qu'un processus simplifié est organisé. L'autorité compétente de l'État ou le gestionnaire procède à des mesures de publicité préalables suffisantes pour permettre aux candidats potentiels à l'occupation du domaine public de se manifester.

3. Ombrières solaires sur les parcs de stationnement

Le décret d'application des obligations d'installation d'ENR en toiture des bâtiments et ombrières de parkings issus de la loi Climat et Résilience[46] a été publié[47], avec une application des obligations au 1er janvier 2024. Ce décret a été suivi d'un arrêté[48] ayant pour objet la fixation des exigences concernant la proportion de la toiture du bâtiment à couvrir par un système de végétalisation ou de production d'ENR tel que prévu à l'article L. 171-4 du code de la construction et de l'habitation, pour les bâtiments neufs, les rénovations lourdes et les extensions de bâtiments. L'arrêté précise également les conditions économiquement acceptables dans lesquelles un système de végétalisation ou de production d'ENR en toiture doit être installé.

III. Le biogaz et la biomasse

1. Modèle de contrat d'achat de biométhane

Tout producteur de biométhane souhaitant injecter sa production dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel est éligible à une obligation d'achat en guichet ouvert sous réserve de la préservation du bon fonctionnement des réseaux. Dans ce système, le biométhane injecté est acheté par un fournisseur de gaz naturel à un tarif d'achat fixé à l'avance et permettant de couvrir les coûts d'investissement et d'exploitation de l'installation de production de biométhane tout en assurant une rentabilité normale du projet. L'obligation d'achat est contractée pour une durée de 15 ans. Les contrats d'obligation d'achat à tarif réglementé sont réservés aux installations présentant une production annuelle prévisionnelle inférieure à 25 gigawatts-heure (GWh) PCS par an.

Conformément aux dispositions de l'article D. 446-11 du code de l'énergie, un modèle obligatoire de contrat d'achat a été élaboré en concertation avec les acteurs de la filière biométhane pour chacune des trois catégories tarifaires mentionnées dans l'arrêté du 10 juin 2023[49].

Ce modèle constitue un contrat immédiatement opérationnel après renseignement des conditions particulières.

Les nouveaux modèles obligatoires de contrat d'achat[50] pour chacune des trois catégories tarifaires mentionnées dans l'arrêté tarifaire du 10 juin 2023 sont disponibles sur la plate-forme informatique du ministère de la Transition énergétique.

2. L'arrêté tarifaire biogaz évolue

L'arrêté du 13 décembre 2016[51] (BG16), qui définit les conditions d'achat de la production d'électricité par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute de puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts (kW) est modifié par un arrêté du 6 octobre 2023[52].

On remarque que malgré leur exclusion de la nomenclature ICPE[53] depuis 2021, les équipements associés au sein des installations d'élevage aux couvertures de fosse récupératrices de biogaz issu de l'entreposage temporaire d'effluents sont de nouveau éligibles à l'obligation d'achat applicable aux installations de méthanisation.

Par ailleurs, les producteurs qui en font la demande peuvent bénéficier d'un contrat d'obligation d'achat, dans les conditions prévues par le titre VIII du livre II du code de l'énergie relatif aux critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre des biocarburants, bioliquides et combustibles ou carburants issus de la biomasse et les dispositions législatives et réglementaires associées applicables à la production d'électricité. L'annexe 2 sur les conditions relatives à l'approvisionnement de l'installation et de l'unité de méthanisation amont en cultures est complétée. L'approvisionnement d'une installation de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peut comporter une proportion X de cultures alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale. Les zones tampons enherbées ne sont pas prises en compte dans le calcul de la proportion.

Soulignons également que les sommes versées au producteur dans le cadre de son contrat sont plafonnées à un nombre d'heures de fonctionnement en équivalent pleine puissance de 140 000 heures sur la durée totale du contrat. Le contrat prend fin dès l'atteinte de ce plafond d'heures. Dans le cas où le contrat prend effet plus de deux ans après la date de la demande complète de raccordement, ce nombre d'heures est plafonné à 140 000 heures divisé par 7 300 jours et multiplié par la durée du contrat, exprimée en jours.

On relève enfin la suppression de l'annexe relative à la « double valorisation » par injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel et production d'électricité.

3. Méthanisation et urbanisme dans la loi Aper

Plusieurs articles de la loi Aper allègent les contraintes d'urbanisme pesant sur les installations de méthanisation. Ainsi, la loi précise que les installations de production et, le cas échéant, de commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d'électricité et de chaleur par la méthanisation sont considérées comme des constructions ou des installations nécessaires à l'exploitation agricole, qui de ce fait échappent à la règle de constructibilité limitée[54]. Si ces installations se traduisent par une réduction des surfaces situées dans des espaces à vocation agricole ou sur lesquels est exercée une activité agricole, elles doivent être préalablement soumises pour avis par le préfet à la commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestier.

Désormais, aux termes de l'article L. 151-11, III du code de l'urbanisme, lorsque le règlement du plan local d'urbanisme n'interdit pas, en zone agricole (A), naturelle ou forestière (N), les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, alors les installations de méthanisation mentionnées à l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme sont assimilées aux premières et peuvent être autorisées (après avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers).

Enfin, les installations de méthanisation mentionnées à l'article L. 111-4 sont considérées comme des constructions ou des installations nécessaires à l'exploitation agricole qui ne peuvent pas être réglementées par la carte communale[55].

4. Nouvelles mesures pour la filière

De nouvelles dispositions ont été prises, par voie d'arrêtés et d'un décret, parus le 13 juin au Journal Officiel, pour revaloriser les conditions d'obligation d'achat du biométhane. Pour aider les producteurs de biométhane qui ont connu une hausse des coûts de production et une flambée de prix de l'énergie, ces derniers mois, la ministre de la Transition énergétique avait promis plus de flexibilité et de sécurité ainsi qu'une hausse des tarifs d'achat aux porteurs de projets.

Afin de donner plus de flexibilité aux producteurs de biométhane, dans un contexte d'approvisionnement tendu, un décret du 10 juin 2023[56] permet :

- aux producteurs de biométhane de modifier la production annuelle prévisionnelle ou la capacité maximale de production de biométhane une fois par période de 12 mois, au lieu de 24 mois, par dérogation à l'article D. 446-10-1 du code de l'énergie et à l'article 12 du décret du 30 septembre 2021[57]. Cela sera possible durant les deux prochaines années ;

- l'allongement sans limitation des délais de mise en service en cas de recours contentieux pour les contrats d'achat dont la date de signature est postérieure au 24 novembre 2020, à l'instar de ce qui a déjà été mis en place pour les énergies renouvelables électriques. En cas de contentieux entrainant le dépassement du délai de mise en service de trois ans, la durée des contrats d'achat ne sera plus déduite de la durée de dépassement.

Par ailleurs, la revalorisation du tarif d'achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz a été réalisée par l'arrêté du 10 juin 2023[58] fixant les conditions de l'obligation d'achat à un tarif réglementé.

Un second arrêté du 10 juin 2023[59] fixe le tarif d'achat du biométhane livré au cocontractant en dépassement de la production annuelle prévisionnelle pour les contrats pris en application de l'arrêté du 13 décembre 2021 suivant les mêmes conditions.

IV. L'hydrogène

1. Obligation de produire les carburants renouvelables d'origine non biologique à partir d'électricité renouvelable

Deux règlements délégués de la Commission ont été adoptés en février 2023 en application des articles 27(3) et 28(5) de la directive sur les ENR[60], définissant les carburants renouvelables d'origine non biologique (RFNBOs). Ces règlements ont vocation à garantir que tous les RFNBOs soient produits à partir d'électricité renouvelable. Ils sont interdépendants et poursuivent l'objectif de permettre à ces carburants d'être comptabilisés aux fins de la réalisation de l'objectif des États membres en matière d'ENR. Le premier règlement permet de déterminer à quelles conditions l'électricité utilisée pour la production de ces carburants d'origine non biologique, notamment l'hydrogène, peut être considérée comme entièrement renouvelable[61].  Le second règlement délégué[62]fournit une méthode de calcul des émissions de gaz à effet de serre sur l'ensemble du cycle de vie des carburants renouvelables d'origine non biologique, dont l'hydrogène peut faire partie. La méthode précise également comment calculer les émissions de gaz à effet de serre de l'hydrogène renouvelable ou de ses dérivés s'il est coproduit dans une installation produisant des carburants fossiles.

2. Déploiement de la production d'hydrogène renouvelable sur le territoire français

La loi Aper comporte plusieurs articles intéressants sur le déploiement de la production d'hydrogène de source renouvelable. Le volet de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) relatif au développement de l'exploitation des ENR et de récupération concerne désormais également la production d'hydrogène renouvelable ou bas carbone[63]. La CRE[64] peut « concourir au déploiement des installations de production d'hydrogène renouvelable ou bas carbone »[65], de même que les autorités « organisatrices d'un réseau de distribution » de gaz et d'électricité[66]. Enfin, il est désormais possible de recourir à l'autoconsommation individuelle ou collective pour produire l'électricité issue de sources d'ENR nécessaire à la production d'hydrogène renouvelable au sens de l'article L. 811-1 du code de l'énergie[67].

3. Procédures accélérant le développement de la production d'hydrogène

La loi du 23 octobre 2023 relative à l'industrie verte[68] comporte deux dispositions principales pouvant favoriser le développement de la production d'hydrogène. En premier lieu, l'article 16 modifie l'article L. 300-6 du code de l'urbanisme et prévoit que peuvent être reconnus d'intérêt général les projets d'installation de production d'ENR et la production d'hydrogène renouvelable ou bas carbone, et ce dans le cadre d'une procédure de mise en compatibilité avec les documents d'urbanisme. En second lieu, les nouvelles règles sur la concertation publique ou le débat public dans certaines zones sont de nature à accélérer le déploiement de projets de production d'hydrogène.

4. Mise en concurrence des unités de production d'hydrogène

Le décret du 1er septembre 2023[69] expose la procédure de mise en concurrence propres aux unités de production d'hydrogène, qui comporte une phase de sélection des candidats éligibles, éventuellement une phase de dialogue, par laquelle le ministre chargé de l'Énergie dialogue avec les candidats admis à participer à la procédure en vue de définir ou développer les solutions de nature à répondre à ses besoins et sur la base desquelles ces candidats seront invités à remettre une offre et, enfin, une phase de désignation des candidats retenus pour bénéficier du soutien. Un projet de cahier des charges décrivant l'ensemble de la procédure a été soumis à consultation publique jusqu'au 20 octobre 2023. Il prévoit en particulier trois tranches d'appel d'offre : 150 MW en 2024, 250 MW en 2025 et 600 MW en 2026. À ce jour, il n'a pas encore été publié.

5. Objectifs de déploiement au niveau de l'Union européenne

Le règlement « Afir » du 13 septembre 2023[70] comporte des dispositions plus générales, incluant l'hydrogène, ainsi que des objectifs de déploiement. Ainsi, les États déploient au minimum une station de ravitaillement hydrogène par nœud urbain au plus tard le 31 décembre 2030[71].  Aux points de recharge ouverts au public déployés à partir du 13 avril 2024, une recharge devra être possible au moyen d'un instrument de paiement largement utilisé dans l'Union. Les États membres devront évaluer les possibilités de développement de technologies et de systèmes de propulsion au moyen de carburants alternatifs pour permettre au secteur ferroviaire d'abandonner les trains diesel, notamment l'électrification directe, les trains à batterie et les applications de l'hydrogène[72].

6. Stratégie de l'Union européenne pour l'hydrogène importé et intérieur

La directive dite « RED III »[73] a prévu, s'agissant de l'hydrogène, qu'afin « de réduire la dépendance de l'Union à l'égard des combustibles fossiles et des importations de combustibles fossiles, une stratégie de l'Union pour l'hydrogène importé et intérieur devrait être élaborée par la Commission sur la base des données communiquées par les États membres »[74]. Des dispositions spécifiques en matière de garanties d'origine (qui doivent pouvoir être émises à partir de toutes les sources renouvelables, y compris les carburants gazeux renouvelables d'origine non biologiques tels que l'hydrogène, à condition que le producteur ne bénéficie pas du soutien financier des régimes d'aide) sont également prévues.




[1] Dir. (UE) 2023/2413, 18 oct. 2023 : JOUE  L, 31 oct.

[2] Dans un contexte de tensions internationales (guerre en Ukraine) et de prix surenchéris de l'énergie, le règlement (UE) 2022/2577 du Conseil du 22 décembre 2022 a établi, pour une durée de 18 mois, des règles d'urgence tendant à accélérer la procédure d'octroi de permis applicable à la production d'énergie à partir de sources d'ENR, avec pour objectif de mettre fin à la dépendance de l'Union envers les combustibles fossiles russes.

[3] D. n° 2023-817, 23 août 2023 : JO 24 août

[4] D. n° 2023-522, 28 juin 2023 : 30 juin

[5] L. n° 2022-1726, 30 déc. 2022 : JO 31 déc.

[6] L. n° 2023-175, 10 mars 2023 : JO 11 mars d'accélération de la production d'énergies renouvelables

[7] Cons. const., 9 mars 2023, n° 2023-848 DC

[8] Cette énergie marine repose sur l'exploitation de gradient de salinité et la valorisation de l'énergie libérée lors du mélange entre deux liquides aux différentes concentrations en sel. Non encore exploitée pour des raisons technologiques, elle pourrait pourtant potentiellement couvrir un tiers de nos besoins énergétiques.

[9] C. énergie, art. L. 211-2 modifié par L. n° 2023-175, 10 mars 2023, op. cit., art. 85

[10] Programmation pluriannuelle de l'énergie

[11] C. envir., art. L. 121-8-1 modifié

[12] Ord. n° 2016-1687, 8 déc. 2016 : JO 9 déc., relative aux espaces maritimes relevant de la souveraineté ou de la juridiction de la République française, art. 40-2 à 40-4

[13] CE, 1er mars 2023, n° 458933 : Lebon T.

[14] D. n° 2023-1366, 28 déc. 2023 : JO 30 déc.

[15] C. envir., art. R. 411-6-1 nouv.

[16] Cass. 3e civ., 11 janv. 2023, n° 21-19.778 : Bull. civ.

[17] CAA Marseille, 26 janv. 2017, n° 15MA00975 confirmé par CE, 8 nov. 2017, n° 409238

[18] CA Nîmes, 7 déc. 2023, n° 23/00353

[19] Cass. 3e civ., 21 déc. 2023, n° 23-14.343 : Bull. civ.

[20] Ibid., pt. 17

[21] C. envir., art. L. 515-44

[22] CE, 1er mars 2023, n° 455629 : Lebon T.

[23] Sur la base de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : CE, 1er mars 2023, n° 459716 : Lebon T. ; CE, 10 nov. 2023, n° 459079

[24] CE, 27 mars 2023, n° 451633

[25] C. envir., art. L. 515-45-1

[26] C. énergie, art. L. 311-10-5

[27] A., 11 juill. 2023, NOR : TREP2319004A : JO 19 juill.

[28] A., 26 août 2011, NOR : DEVP1119348A : JO 27 août

[29] Ibid., art. 4-1, pt. VI

[30] CE, 1er déc. 2023, n°s 467009 et 470723 : Lebon T.

[31] CE, 22 juin 2023, n° 456192 confirmant CAA Douai, 29 juin 2021, n° 19DA02052

[32] CJA, art. R. 431-12

[33] D. n° 2023-372, 15 mai 2023 : JO 16 mai

[34] D. n° 2023-1103, 27 nov. 2023 : JO 29 nov.

[35] C. envir., art. R. 181-51 nouv.

[36] C. envir., art. R. 181-50 nouv.

[37] En principe, sont interdits en vertu de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme toutes les constructions et installations aux abords des grands axes routiers, en dehors des espaces urbanisés des communes.

[38] C. transp., art. L. 2231-4

[39] L. n° 86-2, 3 janv. 1986 : JO 4 janv.

[40] Plan de prévention des risques naturels

[41] Plan de prévention du risque inondation

[42] Établissement public de coopération intercommunale

[43] C. envir., art. L. 562-4-2

[44] C. urb., art. L. 122-7

[45] CGPPP, art. L. 2122-1-1

[46] L. n° 2021-1104, 22 août 2021 : JO 24 août

[47] D. n° 2023-1208, 18 déc. 2023 : JO 20 déc.

[48] A., 19 déc. 2023, NOR : TREL2313126A : JO 29 déc.

[49] A., 10 juin 2023, NOR : ENER2312725A : JO 13 juin

[50] A., 8 nov. 2023, NOR : ENER2327542A : JO 17 nov.

[51] A., 13 déc. 2016, NOR : DEVR1636693A : JO 14 déc.

[52] A., 6 oct. 2023, NOR : ENER2232949A : JO 11 oct.

[53] Installations classées pour la protection de l'environnement

[54] C. urb., art. L. 111-4

[55] C. urb., art. L. 161-4

[56] D. n° 2023-456, 10 juin 2023 : JO 13 juin, relatif à la modification de la production annuelle prévisionnelle ou de la capacité maximale de production des installations de production de biométhane

[57] D. n° 2021-1273, 30 sept. 2021 : JO 1er oct., portant modification de la partie réglementaire du code de l'énergie concernant les dispositions particulières relatives à la vente de biogaz

[58] A., 10 juin 2023, NOR : ENER2312725A, op. cit.

[59] A., 10 juin 2023, NOR : ENER2312723A : JO 13 juin, fixant le tarif d'achat du biométhane injecté dans un réseau de gaz naturel livré au cocontractant en dépassement de la production annuelle prévisionnelle

[60] Dir. (UE) 2018/2001, 11 déc. 2018 : JOUE L 328, 21 déc., relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite RED II

[61] Règl. délégué (UE) 2023/1184, 10 févr. 2023 : JOUE L 157, 20 juin, complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil en établissant une méthodologie de l'Union définissant des règles détaillées pour la production de carburants liquides et gazeux renouvelables destinés au secteur des transports, d'origine non biologique

[62] Règl. délégué (UE) 2023/1185, 10 févr. 2023 : JOUE L 157, 20 juin, complétant la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil en établissant un seuil minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les carburants à base de carbone recyclé et en précisant la méthode d'évaluation des réductions des émissions de gaz à effet de serre réalisées grâce aux carburants liquides et gazeux renouvelables destinés aux transports, d'origine non biologique, et aux carburants à base de carbone recyclé

[63] C. énergie, art. L. 141-2

[64] Commission de régulation de l'énergie

[65] C. énergie, art. L. 131-2-1

[66] CGCT, art. L. 2224-31

[67] L. n° 2023-175, 10 mars 2023, op. cit., art. 37

[68] L. n° 2023-973, 23 oct. 2023 : JO 24 oct.

[69] D. n° 2023-854, 1er sept. 2023 : JO 3 sept., relatif au dispositif de soutien à la production de certaines catégories d'hydrogène

[70] Règl. (UE) 2023/1804, 13 sept. 2023 : JOUE L 234, 22 sept., sur le déploiement d'une infrastructure pour carburants alternatifs et abrogeant la directive 2014/94/UE

[71] Ibid., art. 6

[72] Ibid., art. 13

[73] Dir. (UE) 2023/2413, 18 oct. 2023 : JOUE L, 31 oct.

[74] Ibid., art. 22 bis

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